Haut potentiel émotionnel, TDAH (trouble du déficit de l’attention), QI (quotient intellectuel), trouble oppositionnel avec provocation, troubles des conduites, trouble bipolaire chez l’enfant et l’adolescent… Tous ces « gros mots » ne parlent pas d’âme malade ou douloureuse ni de cœur brisé. Ils parlent bien de conduites et de troubles « dérangeants ». Dérangeant pour qui réellement ?  Les parents qui se rassurent et espèrent que diagnostic = traitement comme on soigne une angine ? L’industrie pharmaceutique créant autant de noms de troubles qu’elle brevette de nouveaux médicaments (remède ?) ?

Tu n’es pas comme les autres

Cela n’a aucun sens pour l’enfant si ce n’est de s’entendre dire « tu n’es pas comme les autres ». Parfois, ils ne savent même pas ce qu’ils font là. Ça pourrait paraître évident qu’aucun enfant ne soit comme les autres puisqu’il n’a pas les mêmes parents que les autres. Et pourtant. Ce « tu n’es pas comme les autres » dit aussi « tu es malade » « on se fait du souci de ta différence » ou encore, « tu déranges tes camarades de classe » … 

« Certaines choses lui étaient arrivées, mais que, dessous, elle était restée la même »

Donald Winnicott, Rien au centre, 1959, La crainte de l’effondrement et autres situations clinique 1989

L’expérience de vie des enfants est toute jeune. Leurs maux sont tout aussi récents ainsi que les moyens (plus ou moins efficaces) qu’ils mettent en place pour y faire face : des comportements « hors normes » et douloureux pour eux. Mais ce n’est pas aussi solidement installé et ficelé que chez les adultes d’expérience (de vie) et leurs esprits sont donc bien « plus facile » à soulager.

Plus le temps passe et plus nos défenses sont inconscientes

Les défenses psychiques sont des solutions trouvées plus ou moins consciemment pour répondre à un inconfort mental : évènement triste quel qu’il soit, traumatisme, vide immense ressenti, colère, angoisse… Avec le temps, les plus solides deviennes inconscientes et on les utilise comme on respire, c’est-à-dire sans y penser. J’ai l’habitude de comparer ces défenses installées les unes sur les autres aux couches superposées d’un gros oignon. Un enfant, de par sa courte vie, n’a pas eu le temps de cumuler trop de moyens de défense psychique, ce qui rend beaucoup plus accessible l’évènement et le sentiment associé qui cause tant de mal. 

On a alors à faire à des tout petits oignons qu’il faut savoir prendre comme tel, dans le présent de ce qu’ils vivent, quel que soit l’environnement dans lequel ils sont nés. Autrement dit, pour atteindre le cœur du problème qui cause tant de soucis à un jeune enfant, il suffit le plus souvent de tendre l’oreille ou de le regarder faire : créer, imaginer, jouer. 

« Quiconque s’attache à écouter la réponse des enfants est un esprit révolutionnaire. »

Françoise Dolto, La cause des enfants, 1985.

C’est comme le disait si simplement Françoise Dolto « un enfant c’est toujours dans le présent ». Il s’agirait alors d’écouter ce qu’un enfant a à nous dire, avec son corps ou avec ses jeunes mots afin de comprendre son problème, sa question, sa douleur, son traumatisme, sa peine… Autrement dit, paraphraser sa souffrance à l’aide d’un label nosographique « TDAH etc » apaisera certainement les parents mais pas l’enfant. Il en va de même avec l’idée qu’il pourrait être « dressable » par des théories du comportements ou encore chimiquement par des médicaments. Au mieux il souffle un peu, mais ne pas résoudre l’angoisse de fond revient à retarder le problème et à le rendre plus installé.

Aujourd’hui la profession de pédopsychiatre disparaît à grande vitesse. On en a environ 600 pédopsychiatres pour 200 000 enfants en France. Ce sont le plus souvent les psychiatres (pour adulte) et les généralistes qui sont consultés et les enfants une fois diagnostiqués sont orientés vers des instituts spécialisés pour leur trouble. Pourtant, travailler avec de jeunes enfants demande une réelle formation et expérience spécialisée, une écoute et une prise en charge différente de celle des adultes. 

L’enfant n’est pas une donnée statistique, ses maux non plus

Cette disparition de la profession de pédopsychiatre témoigne d’un réel retour en arrière dans la prise en charge des enfants en souffrance. Ils sont souvent réduits à leur symptôme et on leur parle comme à des OVNI. On choisit pour eux, on analyse les troubles et non une parole subjective. Cette parole ou ces mots peuvent se prononcer de la même façon d’un enfant à un autre mais ne voudra jamais dire tout à fait la même chose, par ce que l’enfant est unique dans son histoire et sa subjectivité. Ce n’est pas une réalité différente pour les adultes, soit dit en passant. L’esprit est devenu comme le corps en médecine : un appareil dont notre nouvelle technologie de pointe peut tout en lire en se passant de subjectivité. Ou plutôt, en remplissant les cases du Manuel Diagnostics et Statistiques des troubles mentaux. Chaque mot désignant les lettres de DSM témoigne de la froideur et de l’inhumanité dont il fait usage. L’enfant n’est pas une donnée statistique et ses maux non plus. Le psychiatre en plus d’être médecin a une réelle fonction sociale de police, car il est le seul à pouvoir priver quelqu’un de ses libertés. 

« Il n’y a rien de plus difficile que de décider si on est en train de voir un garçon ou une fille en bonne santé qui passe par les affres de l’adolescence ou si c’est une personne qui se trouve être malade du point de vue psychiatrique à l’âge de la puberté »

Dolnad Winnicott, Jane ou l’adolescence, 1964, La crainte de l’effondrement et autres situations clinique 1989

Ecouter, répondre et informer les enfants

Ne pas parler aux enfants est pourtant une énorme régression dans l’histoire de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie. Je ne suis pas une pionnière de constater qu’il faut écouter, répondre et informer les enfants. Comme on le ferait pour des adultes. Ne choisit-on pas le métier de psychologue ou psychiatre par amour de la parole ou pourquoi pas, par intérêt pour l’archéologie de l’esprit humain ? Il n’y a pas de parole sans histoire et réciproquement. Car si c’est par amour du trouble, de la statistique ou du diagnostic il y a de quoi se demander : de quel côté se trouvent les fous ? 

Je passerai très rapidement sur la (les ?) méthodes Montessori et son hypermarketing actuel : la relation de l’enfant avec son environnement, les parents le plus souvent, est nécessaire et joue un rôle élémentaire dans l’épanouissement cognitivo-affectivo-psychologique. Autrement dit, la prise en compte du monde intérieur du bébé est nettement à privilégier pour son développement et son épanouissement plutôt que le monde extérieur.  Dressage donc sous couvert d’une promesse que l’on ne peut pas tenir : le monde s’adaptera ou bien devrait s’adapter à vous. Cela ne permet pas du tout d’entretenir la flexibilité psychique. 

A noter que d’autres théoriciens sont passés après Maria Montessori et ont permis de préciser le sujet des bébés, des enfants et des adolescents. Je parle de Mélanie Klein, Donald Winnicott, Françoise Dolto, Maud Mannoni… 

« Une meilleure compréhension des besoins émotionnels du petit enfant ne peut manquer, cependant, d’influencer favorablement notre attitude envers ses problèmes et l’aider ainsi sur le chemin de la stabilité́. C’est en exprimant cet espoir que je résume le but principal de la présente étude. »

Mélanie Klein, Le sevrage, 1936

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