Alice au Pays de la psychanalyse

L’œuvre d’art n’est pas un symptôme et elle tient très bien sans la psychanalyse. C’est un roman qui partage son savoir à l’analyste que je suis, un savoir sur le rêve et le langage.

« Alice au pays des merveilles » incarne cet espace qui donne de la couleur, des formes et de la musicalité aux mots. Cette œuvre nous permet de comprendre, à nous analyste, ce qu’il en est de l’inconscient quand il travaille et les trésors qu’on y trouve : émotions, les affects, la vie. La différence entre l’artiste et l’analyste, c’est bien que nous autres avons besoin de comprendre quelque chose.

La sublimation n’est pas une réponse à un symptôme et la création ne prive pas quelqu’un d’en avoir. Quand on créé quelque chose, il y a une part de la vie pulsionnelle qui va se satisfaire, mais au lieu de le faire dans le symptôme cela se satisfait dans la création d’une œuvre. Les pulsions n’ont en effet pas toute le même destin (rêve, symptôme, création, jeux…).

Freud nous disait ce propos que:

« Les grands écrivains sont nos vrais maîtres, parce qu’ils ont accès à des sources qui nous sont fermés » « Il ne faut pas se demander si l’œuvre romanesque est conforme à la vérité théorique. La véritable question est de savoir si la théorie tient devant l’œuvre littéraire ».

C’est lors d’une balade en barque, accompagnée des trois sœurs Liddel que Carroll Lewis a improvisé cette histoire, dans le but d’amuser les trois enfants et peut être lui-même. C’est avec une facilité déroutante que l’auteur emploi un vocabulaire et fait des associations d’idées comme le ferait une fillette de son époque. Ce sont les mots, des pensées et une imagination d’enfant qui font vivre le roman. Ainsi, nous lisons des paroles aussi familières qu’étrange sortant de la bouche d’une enfant qui livre ses idées avec autant de simplicité que de franchise. Des idées qui n’en sont pas moins complexes. En effet, les enfants n’ont pas besoin de mettre autant de subtilité pour dire ce que nous dirions.

S’ajoute à cela ce qui s’entend pour chaque lecteur sans que ce ne soit dit explicitement dans le livre. Le langage est dans le livre, comme une musique que l’on ressent au-delà des mots. C’est par le même procédé qu’il est possible d’être touché par une mélodie sans être capable déchiffrer une ligne de partition. C’est souvent l’au-delà des mots qui nous touche et nous bouleverse : un film, un roman, un coup de foudre amoureux…  Ce qui est tue dans le dire, et l’effet de surprise qui l’accompagne. L’effet de surprise en tant que cela permet la rencontre.

Cela fonctionne aussi avec les paroles blessantes, l’au-delà des mots. Françoise Dolto nous le disait ainsi :

« Le langage que nous écoutons ce n’est pas seulement la parole ».

Elle a tout compris, l’outil étant limitée en fonction de l’âge ou de la vie, les enfants nous apprennent aussi à dire autrement. Ainsi, même si la petite Alice s’exprime très clairement, il y a ce petit plus dans le cheminement de son rêve et de ses pensées qui nous emmènent avec elle et nous fait parfois rire.

J’ai consacré un article au sujet de ce chef d’œuvre littéraire que vous trouverez prochainement dans « Les cahiers de l’enfance et de l’adolescence » aux Éditions Ères. J’en profite pour faire la promotion de cette revue de qualité où des professionnels du psychisme proposent des articles engagés.

Caroll Lewis et Alice