Amour
Dans nos sociétés urbaines nous avons mal à aimer. Notre société n’est plus identique à celle du siècle dernier. L’amour, l’union d’amour est une liberté qui fait affaire avec le désir de chacun. Si le désir pousse les uns à s’unir en formant un couple (voir une famille) et d’autres à s’entourer uniquement d’amis ou de famille, ce n’est pas un hasard.
Les codes et les idéaux changent si rapidement, dans la mesure où les images circulent à la vitesse d’un clic. J’entends par images ce qui fait naître une recherche de jouissance immédiate, loin de ce qu’est le « désir ». Les mises en scène présentées par les réseaux sociaux et les médias ont un impact qui n’a jamais été aussi fort : ceci est le beau, cela est du bonheur, et voici maintenant ce qu’est une vie réussie.
Dans nos sociétés “développés”, ce qui marque la différence avec un autre temps, c’est que la communication est internationale et accessible à la grande majorité d’entre nous. Nous devenons très exigent avec nous-mêmes, avec les autres et nous nous battons avec nos fantasmes. Dans nos villes, combien de personnes souffrent de dépression? Combien ne sont plus heureuses depuis des années et espèrent encore à la lecture d’un livre de développement personnel ou en se répétant des citations positives, cela va changer leurs vies?
L’industrie d’un bonheur aux règles universelles tourne à plein tube et repose sur des recettes simples que nous nous auto-administrons pour essayer d’être heureux avec ce que nous avons. Pourtant, être malheureux, perdus ou en dépression nous permet aussi de nous donner la parole. Un symptôme n’est autre qu’une vérité qui hurle à nos oreilles à propos de vieilles blessures encore trop vives après plusieurs années.
Aimer exige de se donner à l’autre. Ce n’est pas chose aisée. Nous ne voulons pas que l’autre rencontre nos défauts car il s’agit précisément de ceux que nous ne supportons pas nous même de voir. Et si depuis notre premier souffle l’autre est bien la personne qui nous permet une conscience de l’existence de notre propre corps, donc de notre unité, alors c’est trop de risque de nous confier à son jugement.
Nous sommes bien placés pour connaître la trace indélébile que laisse le regard de l’autre en nous. Voyez bien que le nourrisson prend conscience de son corps quand il a faim. Le manque du sein lui fait prendre conscience qu’il n’est pas une continuité du corps de sa mère (cela fonctionne aussi avec le biberon dans les bras de celui ou celle qui prend soin de lui). Quelle détresse cela apporte à manquer de l’autre si nécessaire pour notre survie ?
Plus tard et de la même façon, avant d’être « capable » de se reconnaître soi même dans le miroir, c’est le regard de l’être aimé qui va nous permettre de nous imaginer, nous fantasmer… Et si la réalité était trop différente, ou pire : et si nous ne voyions rien ? Nous commençons donc par croire ce que nous imaginons que voit l’autre de nous, comme première représentation de soi.
Mais le point de départ reste l’imagination, le fantasme de que nous avons avons de nous même. L’autre est une sorte de « porteur » ou de court-circuit, ce sur quoi notre regard s’appui pour voir les contours de notre reflet. C’est ainsi que l’autre aimé porte quelque chose de nous qui peut être aussi doux que angoissant. Et ces deux sentiments s’apprivoisent et cohabitent dans l’amour.
Retrouvez une belle et intelligente intervention d’Alain Vanier ci-après: