L’amour : évidence et catastrophe
Dans nos sociétés urbaines, l’amour semble à la fois omniprésent et difficile à vivre. Les codes et les idéaux changent à la vitesse d’un clic. Les réseaux sociaux et les médias imposent des images saturées de jouissance immédiate, qui détournent de ce qu’est réellement le désir : non pas un caprice à satisfaire, mais un mouvement qui naît d’un manque et s’adresse à l’Autre.
Le symptôme dit parfois plus de vérité sur notre rapport à l’amour que n’importe quel discours positif. Aimer, c’est prendre le risque de se donner à l’autre — de s’exposer à ce que nous supportons le moins de voir en nous-mêmes. Lacan le formule ainsi : « Aimer, c’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas ». Depuis notre premier souffle, l’Autre nous donne conscience de notre corps et de notre unité ; mais ce regard qui nous construit peut aussi nous défaire.
L’amour, quand il advient, n’a pas besoin de mots. Il est accord tacite, présence qui rend la communication superflue. C’est souvent lorsque le désir chute qu’on se met à « communiquer » pour tenter de recoller ce que le lien tenait naturellement. La rencontre amoureuse est toujours un bouleversement : elle révèle, dans la douceur comme dans l’angoisse, que l’autre porte une part de nous. Et cette part — imprévisible, étrangère parfois — fait de l’amour une catastrophe pour le Moi.
L’amour est cet accident qui dévoile qu’on n’est jamais maître de soi, et ce point de déséquilibre où le sujet, délogé de ses certitudes, consent à être travaillé par l’inconnu qu’il trouve en l’autre.
Retrouvez une belle et intelligente intervention d’Alain Vanier ci-après: